Ecrit par Terry Pratchett - Sortie en 1987 (2011 cette édition) - éditions Pocket - Fantasy/Parodie - 318 P.

Pour ma première chronique de l'année, je voulais absolument la faire sur mon plus gros coup de cœur de lecture de 2022. Pour ceux qui ont suivi mes bilans, vous le savez, ce livre m'a surtout marqué pour être le premier dont j'ai souligné certains passages au crayon à papier. Oui, pour la première fois de ma vie, j'ai osé écrire dans mon exemplaire tellement il y avait des citations que je trouvais à la fois sublimes et drôles. Je vais d'ailleurs en dissimuler tout le long de mon avis et je dois vous dire que ce fut des choix terriblement cornéliens que j'ai dû faire pour ne sélectionner que quelques passages... En réalité, tout le livre pourrait être cité tellement la plume de Terry Pratchett est unique. C'est sûrement la deuxième chronique la plus compliquée que j'ai eu à rédiger après celle de The Untamed pour les mêmes raisons : l'histoire m'a tellement marquée sous de multiples aspects que mettre de l'ordre dans mes idées pour cet article a été très difficile pour moi. 

Cette première citation marquante vous permet d'avoir un aperçu du style d'écriture unique et reconnaissable entre mille de Terry Pratchett. Ils sont peu nombreux, les auteurs qui peuvent se venter d'avoir une plume tellement  singulière que je pourrais reconnaitre un roman d'eux sans voir le nom de l'écrivain avant. A ce jour, ils ne sont que deux pour moi, l'autre étant Daniel Handler ou de son nom d'auteur, Lemony Snicket, surtout connu pour avoir écrit les désastreuses aventures des orphelins Baudelaire. Terry Pratchett a toujours eu l'intelligence d'utiliser un vocabulaire à la fois familier dans les dialogues mais pourtant très immersif et incroyablement descriptif sans pour autant être lourd dans sa narration. On découvre dès le premier paragraphe du tome 1 que le disque est porté sur les dos de quatre éléphants, eux-mêmes soutenus par une tortue pour appuyer sur le burlesque de son univers. Néanmoins, dès sa première description dans le premier tome, il aborde très vite la notion du genrage quand il explique que les philosophes de son monde ont longuement débattu sur le sexe de la tortue pour savoir si ce n'est pas plutôt "un" tortue. Il revient sur ce sujet dans Mortimer quand il explique que la Mort est de sexe masculin. Je rappelle que nous somme dans les années 80 quand le premier tome des annales du disque-monde sort et que la notion de genre est loin d'être dans l'actualité à ce moment-là. Le fait que Pratchett aborde ce point dès le début du premier tome de sa saga montre à quel point cet homme était en avance sur son temps dans les sujets qu'il abordera par la suite. C'est notamment le cas dans Mortimer avec, entres autres, le féminisme. 

Les deux héroïnes de ce roman,  Ysabell et Keli, ne sont ni des demoiselles en détresses, ni le cliché des femmes fortes et badasse dans la fantasy. Attention, j'adore cette dernière catégorie de personnage quand les femmes en question sont bien développées et ont une raison d'agir ainsi que ce soit personnel ou par rapport à l'intrigue. Mais bien souvent, les auteurs (hommes ou femmes) offrent ce type de personnages pour dire "regardez, moi aussi je suis féministe" et ne proposent rien de bien original derrière. Ici, elles sont intelligentes, indépendantes, stratèges et savent ce qu'elles veulent et s'en tiennent jusqu'à la fin sans dévier de leurs objectifs à cause de leurs sentiments ou autres complications quelconques. Elles sont au même niveau que Mortimer, Coupefin ou Albert. De manière générale, les personnages dans les annales du disque-monde sont tous très reconnaissables par leurs caractéristiques. C'est surtout le cas de la Mort (seul personnage de la saga à paraitre dans les 41 tomes) qui s'exprime toujours en grosse lettre car il (je rappelle la Mort est un homme) n'a pas la notion du volume sonore des humains. Mortimer est un personnage qui ne peut qu'attiser notre sympathie. Il découvre en même temps que nous les tâches qui l'attendent en tant qu'apprenti de la Mort et son quotidien quand il ne récupère pas les âmes. Je pense que tout le monde peut se retrouver dans son caractère tellement il est facile à vivre et veut faire de son mieux dans son travaille. Coupefin est un mage raté qui n'est pas sans rappeler Rincevent (un des protagonistes les plus populaires de la saga) par certains côtés mais Coupefin est nettement plus débrouillard et connaisseur que lui. Il aide Kali dans sa quête de vérité. J'ai adoré l'improbabilité de leur duo et leurs humours à tous les deux. Albert est le majordome de la Mort, je lui est trouvé un certain charme et un charisme que les autres personnages ont moins. Même la Mort dans sa quête de découverte sur la retraite et la vie tranquille, qui se pose des questions sur la façon dont vivent les mortels, m'a semblé moins fascinante que l'histoire d'Albert et les révélations que l'on a sur lui. Comme je l'ai déjà mentionné, la plupart des personnages des annales du disque-monde n'ont rien de héros charismatiques, beaux et intelligents. Ils sont le commun des mortels, comme vous et moi et leurs aventures n'ont pas pour but de changer la phase du disque, se sont surtout des aventures personnelles la plupart du temps. C'est pourquoi, voir un personnage aussi marquant qu'Albert par son vécu, c'est assez étonnant. Enfin il y a Ysabell, la fille adoptive de la Mort. Au premier abord, elle a le même humour noir que son père et cherche à se faire remarquer par lui en voulant participer aux missions de Mortimer. Elle est assez capricieuse mais finalement, se révèle être un allié de taille pour aider Morty. Contrairement à ce dernier, elle est intelligente et intrépide. Autant elle me faisait grincer des dents au début par son caractère, autant j'ai fini par adorer son personnage au même titre que les autres.  

Pour le moment, des quatre premiers tomes que j'ai lu, je ne pense pas qu'il soit possible de réellement détester un personnage de la série. On peut les trouver stupides et drôles ça oui, mais au point de les détester... Je ne suis pas sûr tant qu'on sait que la saga est avant tout humoristique et permet à Terry Pratchett de poser ses réflexions sur des sujets auxquels on aurait jamais réfléchit en temps normal. Mortimer est souvent conseillé par les spécialistes et les fans comme étant le premier tome à lire si on veut se plonger dans la saga sans forcément tous les lires car c'est à partir de là que Pratchett trouve vraiment son style. C'est vrai que j'ai eu a l'impression que les deux premiers lui servaient d'expériences pour savoir dans quelle direction aller. En revanche, j'avais adoré le tome 3 que j'ai trouvé très drôle. Mais le fait est que même si effectivement, vous pouvez lire la plupart des tomes dans l'ordre que vous voulez, certains d'entre eux ont tout de même des intrigues liées entres elles et c'est le cas des trois premiers. c'est pour ça que le tome 4 étant plus dépendant, beaucoup conseillent de commencer par lui et je comprends totalement cela. C'est le tome qui m'a fait le plus rire pour le moment mais aussi celui qui m'a fait le plus réfléchir.  

 Car outre la parodie de la fantasy, le sujet principal de ce tome reste la mort et plus exactement, des réflexions que l'on peut se faire entre la vie et la mort. Comme l'explique la Mort à Morty, ce n'est pas lui qui tue mais les humains qui se tuent entre eux ou qui meurt de vieillesse. Lui ne fait que récupérer les âmes pour les mener vers le monde des morts. Pratchett, qui est aussi un grand ami de l'auteur Neil Gaiman, a toujours eu comme ce dernier, une relation étrange avec la religion et n'hésite pas à non seulement s'en moquer dans ses romans, mais aussi à l'utiliser pour faire passer ses pensées à ses lecteurs. On peut percevoir ainsi de ce qu'il pense de la théorie sur la vie après la mort. Ce n'était un secret pour personne qu'il soutenait le suicide assisté étant lui-même atteint de la maladie d'Alzheimer. Il désirait choisir quand mourir plutôt que de laisser sa maladie l'emporter et ne plus pouvoir vivre en étant lui-même. Son lien avec le personnage de la Mort était aussi son moyen de dire à son public vde ne pas avoir peur de la mort, que c'est une chose naturelle pour nous tous. C'est d'ailleurs par ce personnage culte du disque-monde que ses fans apprendront sa mort sur Twitter en 2007, écrivant en grosse lettre le communiqué de la Mort qui nous informait que Terry Pratchett le rejoignait dans son royaume. Je connaissais déjà l'auteur de réputation à ce moment-là mais je ne l'avais pas encore lu et pourtant, il demeure le seul écrivain pour lequel j'ai versé une petite larme en apprenant sa mort. Je me rappelle que dans toutes les librairies où je passais à ce moment, il y a avait des tables d'hommages pour lui avec ses livres présentés. Je n'ai pas souvenir de soutiens plus émouvants pour un auteur décédé avec les messages d'honneurs laissés par les libraires sur ces tables qui présentaient l'écrivain aux clients qui ne le connaissait pas. 

 Mortimer est donc une lecture que je conseillerais aussi bien pour les fans de fantasy que ceux qui ne le sont pas tant ce livre est bourré de messages et fait réfléchir sur bien des sujets. Chaque tome de saga aborde un thème principal différent mais dont la lecture de celui-ci à travers les pensées de Pratchett peuvent se révéler très différents suivant les lecteurs. Ce que j'ai retenu du roman ne sera peut-être pas le cas pour vous. Peut-être que vous accorderez plus d'importances aux symboles philosophique ou religieux que moi ? Peut-être serez vous plus attentif aux références culturelles citées dans le livre ? Peut-être que les citations que j'ai relevé ne seront pas celles que vous auriez retenu au premier abord ? C'est ce qu'il y a de magique dans la découverte de cette saga, tout le monde peut la lire de la manière qu'il le souhaite. Mortimer restera pour moi une expérience de lecture incroyable et une chose est sûre, jamais je ne m'en séparerai. J'ai tout simplement hâte de me plonger dans la suite de cet univers fascinant et j'espère que je vous ai donné envie de découvrir ce roman qui fait indéniablement voyager, réfléchir et rire. 

 Et vous ? Que pensez-vous de ce livre et de cette saga ?