Ecrit par Karine Martins // sorti en septembre 2019 // fantastique-policier-historique // éditions Gallimard Jeunesse // 320 pages 

On se retrouve pour une nouvelle chronique livresque qui sera suivi par, enfin, une chronique drama sur la version chinoise de Scarlet Heart. Mon avis sera suivi par l'interview de l'autrice et je suis très contente qu'elle ait accepté de répondre à mes questions car si vous avez suivi mon calendrier de l'avent et mon bilan lecture annuel, vous savez qu'il s'agit de mon plus gros coup de cœur littéraire de 2020 avec le tome 1 "Les détectives de Yorkshire". Je savais que j'aimerais cette lecture mais pas autant. Je suis d'autant plus ravie du contexte dans lequel j'écris cet article car je viens de faire un dossier de plus de 10 pages pour un cours sur la politique éditoriale sur la thématique du roman policier-historique dans lequel je citais notamment ce livre. Je reste donc dans le sujet et c'est pourquoi je suis si inspirée par cette chronique.

Comme l'indique le résumé, le contexte historique de cette histoire se déroule en 1887 en Bretagne. On peut donc classer le récit dans le genre policier-historique en plus du fantastique. L'époque sert vraiment l'enquête et l'évolution des personnages suis la logique des mœurs de cette ère. Outre les personnages, il y a tout simplement l'ambiance générale de l'histoire qui s'intègre très bien à l'idée que l'on se fait du 19ème siècle. Le style d'écriture permet vraiment au lecteur de se plonger dans cette époque et les descriptions des lieux et des personnages aussi. Evidemment il est aussi question de la chasse aux sorcières, qui était encore très présente en Bretagne, et de l'importance de la religion. Ce n'est pas juste une enquête à résoudre, c'est aussi permettre aux jeunes lecteurs de prendre conscience que finalement, les problèmes d'aujourd'hui se reflétaient déjà 2 siècles avant. Il y est question aussi du paraitre, de la manipulation, de l'importance de croire en ses propres idées, de ne pas se laisser avoir par les rumeurs et les "fakes news" de l'époque, de prendre le temps de réfléchir par soit même sans être prit par la conviction d'un groupe... Bref, autant de problématiques actuelles que l'on retrouve dans cette histoire et pour un roman jeunesse, c'es très important de les mettre en avant au service du contexte de l'histoire. Un des aspects que j'ai préféré dans cette lecture, c'est justement que tout cela soit apporté par les personnages eux-mêmes et leurs évolutions.

Et donc, parlons-en de ces personnages géniaux ! En figure de proue, nous avons les deux héros que l'on rencontre en premier, à savoir Gabriel et Rose. Gabriel c'est typiquement le mec solitaire, mystérieux et badasse dont on ne connait rien au début et que l'on apprend à découvrir petit à petit. Cela se fait à travers le regard de Rose, une jeune fille de la rue qu'il a sauvé et prit sous son aile en lui donnant un toit. Ce duo est intéressant car c'est rare de voir des binômes avec autant de décalage d'âge et pourtant, il fonctionne super bien. Car là où le caractère grincheux de Gabriel peut rendre le personnage un peu antipathique, la joie de vivre de Rose et sa soif d'apprendre permet de le rendre plus sympathique envers sa jeune protégé. J'ai eu un peu de mal au début avec Gabriel à cause de son caractère que l'on a déjà vu et  revu des centaine de fois et j'ai finalement beaucoup aimé le découvrir grâce à ce changement et le voir s'épanouir non pas aux côtés d'une femme comme le voudrait la coutume, mais grâce à une jeune fille, j'ai trouvé ça très touchant. 

Même si c'est bien son duo avec Grégoire que j'ai préféré et pour lequel j'ai totalement craqué. Vous savez ces Bromances avec un grand B que l'on adore shipper ensemble dans les séries ou les films ? Eh bien c'est exactement ce que j'ai ressenti face à cette amitié et c'est la première fois que je le ressent aussi fortement pour un livre destiné aux publics ado/jeunesse. Déjà parce que Grégoire est tout simplement devenu mon personnage préféré et quand je parlais du fait que les personnages servaient très bien l'époque historique, je pensais notamment à lui. Prêtre de profession, il semblerait qu'il en connaisse plus qu'il ne le laisse penser sur l'Ordre de la Sainte-Vehme et son combat contre les hybrides. Franchement, je crois que c'est la première fois que j'ai un tel coup de cœur pour un prêtre eh oui, j'ai eu un véritable crush sur lui au point que j'étais prête à en faire un fan-art mais moi et le dessin... c'est pas trop ça. 

Et puis il y a Annwenn, une guérisseuse mystérieuse du village dans lequel se déroule l'histoire. Malgré son aide pour guérir les villageois, ces derniers la soupçonne d'être une sorcière et d'être derrière les meurtres en séries. Comme beaucoup de lecteurs j'ai l'impression, j'ai eu du mal avec ce personnage. On est trop longtemps dans l'incertitude quant à sa culpabilité ou pas et contrairement aux trois autres, elle n'est pas autant mise en avant. Ses actes dans la deuxième moitié du roman la rend plus sympathique mais c'est finalement le personnage que j'ai le moins envie de revoir pour la suite.

Enfin il y a l'antagoniste principal, si l'on veut, avec Varga qui rempli tout à fait son rôle d'ennemi comme je les aime. J'espère que l'on en apprendra un peu plus sur lui par la suite car il est quelque peut mi en retrait dans ce tome un. Il reste du coup un personnage mystérieux, on ne sait pas trop pourquoi il a rejoint l'ordre ni quelles sont ses motivations mais pour le coup, ce sont des mystères que j'aime beaucoup et que j'ai hâte de découvrir dans les futurs tomes.

Meilleure expression du roman ! ^^

Une autre chose que j'ai énormément apprécié, c'est le mystère de cet ordre de la Sainte-Vehme qui semble constituer le fil rouge de la trilogie. J'ai adoré le fait que l'on sache si peu de chose dessus durant ce premier tome car ça rend les personnages de Gabriel, Grégoire et Varga encore plus mystérieux qu'ils ne le sont déjà. Personnellement, c'est vraiment ce qui me happe le plus pour les futurs tomes, outre le fait de vouloir retrouver le trio principal. Le bestiaire vaste qui se dévoile petit à petit entre les Immortels, les loups-garous, Lycans, cocatrix, volkolaks...  m'intrigue également beaucoup et me fait énormément penser à celui de Teen Wolf qui était tout aussi original que celui-ci. 

Vous l'aurez comprit je pense, pour un roman jeunesse, c'est un véritable coup de cœur, il y a énormément de choses qui m'ont plu et finalement, seule Annwenn ne m'a pas totalement convaincu. C'est très bien écrit, pour les plus jeunes lecteurs, peut-être qu'il faut prévoir un accompagnement avec un adulte pour être sûr qu'ils comprennent toutes les références historiques et les intrigues mais rien de bien méchant. Je pense même qu'il serait parfait à étudier pour des collégiens au vu de toutes les thématiques qu'il aborde. 

Sur ce, je vous laisse avec l'interview de Karine. 

¤ Bonjour Karine, vous allez bien ? Pouvons-nous nous tutoyer ? Comment gérez-vous la promotion de votre livre avec le contexte actuel ?

On peut se tutoyer, bien sûr. Le contexte actuel est compliqué pour beaucoup d’auteurs. Le premier confinement a mis un coup de frein aux rencontres et aux salons. Le tome 1 de Ceux qui ne peuvent pas mourir a été sélectionné dans différents prix l’année dernière. Des rencontres étaient prévues à Paris et dans la Sarthe, elles ne se dérouleront pas comme prévu. On cherche des alternatives. Il faut bien tenter quelque chose ! J’espère que la sortie du tome 2 en mai se fera dans des conditions plus propices. Je croise les doigts.

¤ Pourquoi avoir choisi d'écrire sur les genres policier historique-fantastique ? D'ailleurs lequel est venu en premier lors de la rédaction ?

Je ne suis pas sûre de pouvoir parler de « choix ». Je ne me suis jamais posé la question « Quel genre choisir ? ». J’ai toujours adoré les polars et les thrillers surtout historiques, mais curieusement, je ne lis que très peu de romans fantastiques. En revanche, je regarde beaucoup de séries/ films fantastiques. Le tout premier essai pour Ceux qui ne peuvent pas mourir était totalement différent. L’intrigue se situait à la Nouvelle-Orléans de nos jours avec une ambiance décalée à la Buffy contre les vampires. Rien à voir, donc, à part le trio prêtre / immortel/ Rose déjà présent.

Mais je me suis retrouvée bloquée au bout de quelques chapitres. Il me manquait un je-ne-sais-quoi pour rentrer complètement dans l’histoire. J’ai remanié, délocalisé et changé de ton. Plus Sherlock Holmes/ Tim Burton que Buffy, en somme.

¤ J'ai eu un gros coup de cœur pour l'amitié Gabriel/Grégoire, en particulier pour le personnage de Grégoire. Comment as-tu développé tes personnages ? Savais-tu déjà quelles seraient leurs évolutions en commençant à écrire ou est-ce venu petit à petit ?

Grégoire est mon préféré aussi. Il incarne la sagesse qui manque sérieusement aux deux autres ! Ce sont deux têtes à claques, il faut bien l’avouer. Au départ, il ne devait apparaître que dans le tome 1, mais au bout de quelques chapitres il me semblait inconcevable de ne pas le garder. Il a changé le plan de la trilogie et surtout la fin. Il va prendre une place de plus en plus importante. Surtout dans le 3.

Je ne peux pas commencer un roman sans avoir les personnages. Je suis incapable d’écrire à partir d’un thème ou d’une idée. Ce sont leur caractère, leur passé et leur évolution qui me viennent en premier.

Pour Ceux qui ne peuvent pas mourir, je suis partie du duo prêtre/ immortel. Un homme de foi pour qui seul Jésus peut ressusciter qui se retrouve face à un immortel hérétique et libertin, ça ne pouvait faire que des étincelles. Mais en fin de compte, c’est une plus une complémentarité qu’une opposition. Rose s’est imposée après. Sans dévoiler sa particularité, sa relation avec Gabriel fonctionne sur la même logique.

¤ Connais-tu déjà la fin de ton histoire en sachant qu'il y aura plusieurs tomes ? D'ailleurs, fonctionne-tu par plan quand tu écris ou l'inspiration vient-elle sur le moment ?

Chaque tome est une enquête à part entière, mais la Confrérie est un fil rouge. Je ne suis ni « architecte » ni « jardinier » comme on dit. J’alterne entre « j’organise » et « on verra bien ». En tout cas, je ne fais jamais de plan détaillé. J’ai une trame avec les étapes essentielles. Elle change ou s’affine au fil de l’écriture. Je savais comment la trilogie se terminerait, mais je n’avais pas les détails. Je trouve ennuyeux d’écrire un livre dont je sais tout à l’avance. J’aime bien être surprise par la tournure imprévue d’un chapitre ou un personnage. Parfois, il suffit d’une phrase pour tout chambouler et dévoiler d’autres possibles qu’on avait pas envisagés.

¤ Pourquoi avoir choisi de publier chez Gallimard Jeunesse et comment s'est déroulé le travail éditorial ? Etais-tu déjà en contact avec eux ?

J’ai commencé par auto-publier "Ceux qui ne peuvent pas mourir". Je voulais découvrir ce type d’édition. Je me suis beaucoup amusée à chaque étape jusqu’à ce qu’il sorte. Quand il a fallu contacter salons, libraires, d’organiser moi-même les rencontres...bref, m’occuper de sa diffusion et promotion, j’ai réalisé que cela prenait beaucoup trop de temps et que cela empiétait sur l’écriture de la suite. Je suis aussi enseignante à plein temps. Il fallait tout gérer de front et je ne voulais pas sacrifier l’écriture pour le commercial. J’ai donc décidé de l’envoyer à différentes maisons d’édition petites ou grandes.

Pour Gallimard jeunesse, je n’y croyais pas un seul instant. Je ne connaissais personne chez eux. Tout se faisait en ligne. C’était simple, il suffisait d’envoyer le fichier.

Ils m’ont contactée par téléphone trois semaines plus tard. J’ai failli leur raccrocher au nez en pensant à un démarchage téléphonique...

Il a fallu bien entendu retravailler le texte et l’épurer avant d’envisager une publication. J’ai tendance à trop écrire et à rentrer dans des détails inutiles. Il y a une ensuite plusieurs phases de corrections. Ils sont très pro et toujours disponibles. C’est vraiment très agréable de travailler avec eux.

¤ Pour finir, peux-tu dévoiler un petit spoile sur le prochain tome pour les lecteurs ?

La suite se passe plus de deux ans après. On retrouve les personnages à Paris lors de l’Exposition Universelle de 1889. Dans le tome 1, on ne voit Gabriel évoluer dans la capitale que dans les premiers chapitres. C’est pourtant son « terrain de chasse ». On va l’explorer et faire connaissance avec les Egarés de Paris. Mais pas seulement, car qui dit Exposition Universelle dit créatures venues d’ailleurs et problèmes.

20/20 (rien à redire)

Et vous ? Que pensez-vous de ce livre ? Avez-vous envie de le lire ?